Sabine Ndzengue
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Déplafonnement des avoirs des contrats de complément de rémunération bénéficiant aux producteurs d’électricité à partir d’énergies renouvelables : L’article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 est contraire à la Constitution.

Dans sa Décision n° 2023-1065 QPC du 26 octobre 2023[1], le Conseil Constitutionnel a eu à décider que : L’article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 est contraire à la Constitution.

I-Que prévoyait l’article 38 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 ?

Le présent article s’applique à tous les contrats offrant un complément de rémunération conclus en application des articles L. 311-12 et L. 314-18 du code de l’énergie qui prévoient une limite supérieure aux sommes dont le producteur est redevable lorsque la prime à l’énergie mensuelle est négative.

A compter du 1er janvier 2022 inclus, par dérogation à l’article R. 314-49 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2021-1691 du 17 décembre 2021 relatif à l’obligation de transmission d’une attestation de conformité aux prescriptions mentionnées à l’article R. 311-43 du code de l’énergie et portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative à la production d’électricité et à la vente de biogaz et aux cahiers des charges mentionnés à l’article L. 311-10-1 dudit code, les contrats mentionnés au premier alinéa du présent article sont ainsi modifiés :

1° Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie et du budget détermine, pour chaque année comprise entre 2022 et la date de fin des contrats, un prix seuil. Le projet d’arrêté est soumis pour avis à la Commission de régulation de l’énergie. Cet avis est rendu public. Lorsque, pour un mois donné, le tarif de référence utilisé pour le calcul du complément de rémunération est supérieur ou égal à ce prix seuil, si la prime à l’énergie mensuelle est négative, le producteur est redevable de la somme correspondante pour l’énergie produite et celle-ci n’est pas comptabilisée au titre des montants perçus et versés par le producteur ;

2° Lorsque, au contraire, le tarif de référence est strictement inférieur au prix seuil, alors, pour le mois considéré :

a) Si le prix de marché de référence de l’électricité calculé selon les modalités prévues par le contrat est inférieur ou égal au prix seuil, les stipulations prévues par le contrat pour le calcul du complément de rémunération et pour le calcul des montants perçus et versés s’appliquent ;

b) Si le prix de marché de référence de l’électricité calculé selon les modalités prévues par le contrat est strictement supérieur au prix seuil, les stipulations relatives au calcul du complément de rémunération s’appliquent en considérant que le prix de marché de référence de l’électricité utilisé pour le calcul de la prime est égal au prix seuil. De plus, le producteur est redevable des sommes égales au volume d’électricité injecté sur les réseaux publics d’électricité durant le mois, multiplié par la différence entre le prix de marché de référence, calculé selon les modalités prévues par le contrat, et le prix seuil. Ces sommes ne sont pas comptabilisées au titre des montants perçus et versés par le producteur.[2]

II-Reproches faits à ces dispositions

  • Ces dispositions porteraient atteinte à des situations légalement acquises ainsi qu’aux attentes légitimes des opérateurs concernés. Il en résulterait une méconnaissance de la garantie des droits. Elles seraient également contraires, selon certaines requérantes, au droit de propriété.

Revenir, et ce de manière rétroactive, sur le plafonnement des reversements dus par les producteurs d’électricité à partir d’énergie renouvelable ayant conclu avec Électricité de France certains contrats offrant un complément de rémunération. En remettant ainsi en cause, sans justification, des contrats en cours d’exécution, ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et au droit au maintien des conventions légalement conclues.

  • Le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées ainsi que le principe de sécurité juridique, la liberté d’entreprendre et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi.

En ne définissant ni la notion de prix seuil en fonction duquel sont calculés les reversements dus par les producteurs à Électricité de France, ni les modalités de détermination de ce prix.

  • Ces dispositions seraient contraires aux exigences constitutionnelles découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 applicables aux lois de validation.
  • Ces dispositions institueraient une différence de traitement entre les producteurs d’électricité à partir d’énergie renouvelable et les autres producteurs d’électricité qui serait contraire à l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.

III-Réponse du Conseil Constitutionnel

  • Le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général.

En adoptant les dispositions contestées, dans un contexte de forte hausse des prix de l’électricité, le législateur a ainsi entendu corriger les effets d’aubaine dont ont bénéficié les producteurs qui ont reçu un soutien public, afin d’atténuer l’effet préjudiciable de cette hausse pour le consommateur final.

  • Les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues.

Toutefois, En s’abstenant de définir lui-même les critères de détermination de ce prix, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant le droit au maintien des conventions légalement conclues.


[1]https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231065QPC.htm

[2]https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046186661