Sabine Ndzengue
Amoa Consulting
L'incontournable cabinet de consultation juridique tout-en-un

Pénalités pour facture inexacte ou incomplète : l’application d’une amende de 15 € (….) est conforme à la Constitution

Dans sa décision n° 2023-1054[1] QPC du 16 juin 2023, le Conseil Constitutionnel a décidé que : les dispositions du paragraphe II de l’article 1737 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l’harmonisation et l’aménagement du régime des pénalités ; sont conformes à la Constitution.

I-Que prévoit le paragraphe II de l’article 1737 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 7 décembre 2005 mentionnée ci-dessus ?

 « Toute omission ou inexactitude constatée dans les factures ou documents en tenant lieu mentionnés aux articles 289 et 290 quinquies donne lieu à l’application d’une amende de 15 €. Toutefois, le montant total des amendes dues au titre de chaque facture ou document ne peut excéder le quart du montant qui y est ou aurait dû y être mentionné ».

II-Quels sont les reproches faits à ces dispositions ?

Ø  Ces dispositions méconnaîtraient le principe de proportionnalité des peines.

L’amende de 15 euros réprimant toute omission ou inexactitude constatée dans une facture peut, en l’absence de plafond annuel et dans le cas où une même omission ou inexactitude affecte un grand nombre de factures, s’appliquer de manière cumulative, alors même que le manquement ne serait pas intentionnel et qu’il n’en résulterait aucun préjudice financier pour le Trésor public. En outre, pour les factures d’un montant individuel inférieur à 60 euros, le plafonnement de l’amende au quart de leur montant conduirait à l’application d’une sanction d’une particulière sévérité et dont l’assiette n’aurait aucun lien avec la nature de l’infraction.

Selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes énoncés par cet article s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition.

Selon l’article 289 du code général des impôts, tout assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de s’assurer qu’une facture est émise pour les opérations qu’il énumère. Cette facture doit comporter certaines mentions portant sur les éléments d’identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus, et celles relatives à la détermination de la taxe. Pour les prestations de services comprenant l’exécution de travaux immobiliers fournie à des particuliers, l’article 290 quinquies du même code prévoit qu’elles font l’objet d’une note qui mentionne le nom et l’adresse des parties, la nature et la date de l’opération effectuée ainsi que le montant de son prix et celui de la taxe.

III-Réponse du Conseil Constitutionnel

Ø  Le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale.

En sanctionnant d’une amende fiscale les manquements aux règles de facturation, le législateur a entendu réprimer des comportements visant à faire obstacle, d’une part, au contrôle des comptabilités tant du vendeur que de l’acquéreur d’un produit ou d’une prestation de services et, d’autre part, au recouvrement des prélèvements auxquels ils sont assujettis.

Ø  L’assiette du plafond est en lien avec la nature de l’infraction. Le législateur a, ce faisant, instauré une sanction qui n’est pas manifestement disproportionnée au regard de la gravité des manquements qu’il a entendu réprimer.

Les dispositions contestées punissent d’une amende forfaitaire d’un montant de 15 euros chaque omission ou inexactitude constatée dans une facture et prévoient, en cas de pluralité d’omissions ou inexactitudes affectant la même facture, un plafonnement du montant total des amendes égal à 25 % du montant qui y est ou aurait dû y être mentionné.

Dans le cas où la facture inexacte ou incomplète est d’un montant individuel inférieur à 60 euros, l’amende encourue est nécessairement égale à 25 % du montant de cette facture.

Même en cas de cumul d’amendes sanctionnant des manquements affectant plusieurs factures, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de proportionnalité des peines.


[1] – https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231054QPC.htm