Droit de préemption urbain : Que prévoit la loi ?

Dans sa décision N°462648[1], le Conseil d’État a eu à rappeler l’objet et les conditions du droit de préemption urbain.
Dans les faits de l’espèce,
M. B… A… et la société à responsabilité limitée Cabinet A… Assurances ont demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, la délibération du 12 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal de Bailleul a décidé d’exercer le droit de préemption de la commune pour acquérir un bien immobilier en autorisant son maire à signer tout acte à cet effet et, d’autre part, l’arrêté du maire de Bailleul du 13 octobre 2017 par lequel il a exercé le droit de préemption sur ce bien immobilier. Par un jugement n° 1709458 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n° 20DA01362 du 25 janvier 2022, la cour administrative d’appel de Douai a, sur l’appel de la commune de Bailleul, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. A… et le Cabinet A… Assurances devant le tribunal administratif de Lille.
I-Que désigne le droit de préemption urbain ?
C’est le fait de proposer en priorité la vente d’un bien situé dans une zone définie par une collectivité (commune ou établissement public de coopération intercommunale) ; à cette collectivité. Ceci en vue de la réalisation d’opérations d’aménagement urbain.
Le propriétaire du bien n’est donc pas libre de vendre son bien à l’acquéreur de son choix.[2]
II-Qui peut instituer un droit de préemption urbain sur une commune ?
- Les communes dotées d’un plan d’occupation des sols rendu public ou d’un plan local d’urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d’urbanisation future délimitées par ce plan, dans les périmètres de protection rapprochée de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines définis en application de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique, dans les zones et secteurs définis par un plan de prévention des risques technologiques en application de l’article L. 515-16 du code de l’environnement, dans les zones soumises aux servitudes prévues au II de l’article L. 211-12 du même code, sur tout ou partie des espaces urbains et des secteurs occupés par une urbanisation diffuse délimités conformément aux articles L. 5112-1 et L. 5112-2 du code général de la propriété des personnes publiques, ainsi que sur tout ou partie de leur territoire couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur rendu public ou approuvé en application de l’article L. 313-1 du présent code lorsqu’il n’a pas été créé de zone d’aménagement différé ou de périmètre provisoire de zone d’aménagement différé sur ces territoires.
- Les conseils municipaux des communes dotées d’une carte communale approuvée peuvent, en vue de la réalisation d’un équipement ou d’une opération d’aménagement, instituer un droit de préemption dans un ou plusieurs périmètres délimités par la carte. La délibération précise, pour chaque périmètre, l’équipement ou l’opération projetée.
Ce droit de préemption est ouvert à la commune. Le conseil municipal peut décider de le supprimer sur tout ou partie des zones considérées. Il peut ultérieurement le rétablir dans les mêmes conditions. Toutefois, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article L. 210-1, le droit de préemption peut être institué ou rétabli par arrêté du représentant de l’Etat dans le département. Dans les parties actuellement urbanisées des communes couvertes par un plan d’occupation des sols devenu caduc en application de l’article L. 174-1, le droit de préemption prévu au deuxième alinéa de l’article L. 210-1 est maintenu.[3]
III-Exercice par le maire du droit de préemption urbain
Article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales :
» Le maire peut, (…) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (…) 15° D’exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l’urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l’exercice de ces droits à l’occasion de l’aliénation d’un bien selon les dispositions prévues à l’article L. 211-2 ou au premier alinéa de l’article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal (…) « .
IV-Objet des droits de préemption urbain
Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1, à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement.
Toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d’une zone d’aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l’acte créant la zone.
Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu’elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l’habitat, la décision de préemption peut, sauf lorsqu’il s’agit d’un bien mentionné à l’article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d’intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine.[4]
Lorsqu’un lotissement a été autorisé ou une zone d’aménagement concerté créée, la commune peut exclure du champ d’application du droit de préemption urbain la vente des lots issus dudit lotissement ou les cessions de terrain par la personne chargée de l’aménagement de la zone d’aménagement concerté. Dans ce cas, la délibération du conseil municipal est valable pour une durée de cinq ans à compter du jour où la délibération est exécutoire.
Par dérogation au premier alinéa du même article L. 210-1, le droit de préemption institué dans les conditions prévues au présent article peut être exercé en vue de la relocalisation d’activités industrielles, commerciales, artisanales ou de services ainsi que pour le relogement d’occupants définitivement évincés d’un bien à usage d’habitation ou mixte en raison de la réalisation de travaux nécessaires à l’une des opérations d’aménagement définies au livre III du présent code.[5]
V-Cas de mise en œuvre du droit de préemption urbain
Lorsque la réalisation d’une opération d’aménagement le justifie, le titulaire du droit de préemption peut décider d’exercer son droit pour acquérir la fraction d’une unité foncière comprise à l’intérieur d’une partie de commune soumise à un des droits de préemption institué en application du présent titre.
Dans ce cas, le propriétaire peut exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l’ensemble de l’unité foncière.[6]
VI-Cas de délégation du droit de préemption
» Lorsque la commune fait partie d’un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre / Toutefois, la compétence d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, (…) ainsi que celle de la métropole de Lyon en matière de plan local d’urbanisme, emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain. (…) « [7]
» Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l’État, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d’une opération d’aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l’occasion de l’aliénation d’un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire « .[8]
Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal a la possibilité de déléguer au maire, pour la durée de son mandat, en conservant la faculté de prendre à tout moment une délibération mettant fin explicitement à cette délégation, l’exercice des droits de préemption dont la commune est titulaire ou délégataire afin d’acquérir des biens au profit de celle-ci.[9]
[1] -https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047259300?dateDecision=&dateVersement=&isAdvancedResult=&juridiction=CONSEIL_ETAT&juridiction=COURS_APPEL&juridiction=TRIBUNAL_ADMINISTATIF&juridiction=TRIBUNAL_CONFLIT&page=4&pageSize=10&pdcSearchArbo=&pdcSearchArboId=&query=*&searchField=ALL&searchProximity=&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat
[2] – https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N21886
[3] – Article L211-1 du Code de l’urbanisme
[4] -Article L210-1 du Code de l’urbanisme
[5] – Article L211-1 du Code de l’urbanisme
[6] -Article L213-2-1 du Code de l’urbanisme
[7] – Article L211-2 du Code de l’urbanisme
[8] -article L. 213-3 du Code de l’urbanisme
[9] -https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047259300?dateDecision=&dateVersement=&isAdvancedResult=&juridiction=CONSEIL_ETAT&juridiction=COURS_APPEL&juridiction=TRIBUNAL_ADMINISTATIF&juridiction=TRIBUNAL_CONFLIT&page=4&pageSize=10&pdcSearchArbo=&pdcSearchArboId=&query=*&searchField=ALL&searchProximity=&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat