Procédure de passation de marché public : Les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs

Dans sa décision N° 464074, du 10 Octobre 2022, Le Conseil d’Etat, 7ème chambre a rappelé les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation.
La passation d’un marché public est soumise à des règles de procédure et de publicité. D’une part, l’acheteur doit se conformer à une procédure, qui est déterminée en fonction de la valeur de l’achat et de son objet (travaux, fournitures, services). D’autre part, il doit appliquer des règles de publicité, qui varient elles aussi en fonction de l’acheteur, de la valeur estimée et de l’objet de l’achat.[1]
I-Les dispositions législatives et réglementaires qui permettent à un acheteur de passer un marché sans publicité, ni mise en concurrence :
A-En raison de son montant ou de son objet (Articles R2122-1 à R2122-9-1 du code de la commande publique)
L’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsque :
- Une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures et qu’il ne pouvait pas prévoir ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées.[2]
- Soit aucune candidature ou aucune offre n’a été déposée dans les délais prescrits, soit seules des candidatures irrecevables définies à l’article R. 2144-7 ou des offres inappropriées définies à l’article L. 2152-4 ont été présentées, et pour autant que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées.[3]
- 1° Le marché a pour objet la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique ;
2° Des raisons techniques. Tel est notamment le cas lors de l’acquisition ou de la location d’une partie minoritaire et indissociable d’un immeuble à construire assortie de travaux répondant aux besoins de l’acheteur qui ne peuvent être réalisés par un autre opérateur économique que celui en charge des travaux de réalisation de la partie principale de l’immeuble à construire ;
3° L’existence de droits d’exclusivité, notamment de droits de propriété intellectuelle.
Le recours à un opérateur déterminé dans les cas mentionnés aux 2° et 3° n’est justifié que lorsqu’il n’existe aucune solution de remplacement raisonnable et que l’absence de concurrence ne résulte pas d’une restriction artificielle des caractéristiques du marché.[4]
- Les fournitures ont pour objet :
1° Des livraisons complémentaires exécutées par le fournisseur initial et qui sont destinées soit au renouvellement partiel de fournitures ou d’installations, soit à l’extension de fournitures ou d’installations existantes, lorsque le changement de fournisseur obligerait l’acheteur à acquérir des fournitures ayant des caractéristiques techniques différentes entraînant une incompatibilité ou des difficultés techniques d’utilisation et d’entretien disproportionnées. Lorsqu’un tel marché est passé par un pouvoir adjudicateur, sa durée ne peut dépasser, sauf cas dûment justifié, trois ans, périodes de reconduction comprises ;
2° L’achat de matières premières cotées et achetées en bourse.[5]
- Pour l’achat de fournitures ou de services dans des conditions particulièrement avantageuses soit auprès d’un opérateur économique en cessation définitive d’activité soit, sous réserve de l’article L. 2141-3, auprès d’un opérateur économique soumis à l’une des procédures prévues par le livre VI du code de commerce, à l’exception de celles mentionnées au titre Ier du livre VI de ce même code, ou une procédure de même nature prévue par une législation d’un autre Etat.[6]
- Avec le lauréat ou l’un des lauréats d’un concours. Lorsqu’il y a plusieurs lauréats, ils sont tous invités à participer aux négociations.[7]
- Le marché a pour objet la réalisation de prestations similaires à celles qui ont été confiées au titulaire d’un marché précédent passé après mise en concurrence. Le premier marché doit avoir indiqué la possibilité de recourir à cette procédure pour la réalisation de prestations similaires. Sa mise en concurrence doit également avoir pris en compte le montant total envisagé, y compris celui des nouveaux travaux ou services.
Lorsqu’un tel marché est passé par un pouvoir adjudicateur, la durée pendant laquelle les nouveaux marchés peuvent être conclus ne peut dépasser trois ans à compter de la notification du marché initial.[8]
- Pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 40 000 euros hors taxes ou pour les lots dont le montant est inférieur à 40 000 euros hors taxes et qui remplissent la condition prévue au b du 2° de l’article R. 2123-1.
L’acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin.[9]
- Les acheteurs mentionnés aux 1° et 2° de l’article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre peuvent passer sans publicité ni mise en concurrence préalables un marché de fournitures de livres non scolaires pour leurs besoins propres ou pour l’enrichissement des collections des bibliothèques accueillant du public et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 90 000 euros hors taxes.
Lorsqu’il fait usage de cette faculté, l’acheteur se conforme aux obligations mentionnées à l’article R. 2122-8 et tient compte de l’impératif de maintien sur le territoire d’un réseau dense de détaillants qui garantit la diversité de la création éditoriale et l’accès du plus grand nombre à cette création.[10]
- Lorsque le marché porte sur des travaux, fournitures ou services innovants au sens du second alinéa de l’article L. 2172-3 et répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes.
Ces dispositions sont également applicables aux lots dont le montant est inférieur à 80 000 euros hors taxes pour des fournitures ou des services innovants ou à 100 000 euros hors taxes pour des travaux innovants et qui remplissent la condition prévue au b du 2° de l’article R. 2123-1.
Lorsqu’il fait usage de cette faculté, l’acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin.[11]
B- en raison de la qualité de l’acheteur (Articles R2122-10 à R2122-11 du Code de la commande publique)
Un pouvoir adjudicateur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables ayant pour objet l’achat de produits fabriqués uniquement à des fins de recherche, d’expérimentation, d’étude ou de développement, sans objectif de rentabilité ou d’amortissement des coûts de recherche et de développement.[12]
Une entité adjudicatrice peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables :
1° A des fins de recherche, d’expérimentation, d’étude ou de développement, sans objectif de rentabilité ou d’amortissement des coûts de recherche et de développement. La passation d’un tel marché ne doit pas porter préjudice à la mise en concurrence des marchés ultérieurs qui poursuivent ces mêmes objectifs ;
2° Ayant pour objet l’achat de fournitures qu’il est possible d’acquérir en profitant d’une occasion particulièrement avantageuse qui se présente dans une période de temps très courte et pour lesquelles le prix à payer est considérablement plus bas que les prix normalement pratiqués sur le marché.[13]
II-Quelle procédure pour l’acheteur qui entend limiter le nombre de candidats à l’appel d’offres ?
L’acheteur qui entend limiter le nombre de candidats indique les critères objectifs et non-discriminatoires qu’il prévoit d’appliquer à cet effet
Aux termes de l’article R. 2142-16 du code de la commande publique : » L’acheteur qui entend limiter le nombre de candidats indique, dans l’avis d’appel à la concurrence ou dans l’invitation à confirmer l’intérêt, les critères objectifs et non-discriminatoires qu’il prévoit d’appliquer à cet effet, le nombre minimum de candidats qu’il prévoit d’inviter et, le cas échéant, leur nombre maximum. «
Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il lui appartient, pour l’application de ces dispositions, d’assurer l’information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats.
Cette information appropriée suppose que le pouvoir adjudicateur indique aussi les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures. Par ailleurs, si le pouvoir adjudicateur entend fixer des niveaux minimaux de capacité, ces derniers doivent aussi être portés à la connaissance des candidats. Cette information appropriée des candidats n’implique en revanche pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures, sauf dans l’hypothèse où ces conditions, si elles avaient été initialement connues, auraient été de nature à susciter d’autres candidatures ou à retenir d’autres candidats.[14]
III- Quelle procédure en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ?
- Saisine du président du tribunal ou du magistrat qu’il délègue avant la conclusion du contrat
Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : » Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique. / (…) Le juge est saisi avant la conclusion du contrat « .
- Décision prise par le juge
Les décisions prises par le juge des référés sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative sont rendues à la suite d’une procédure particulière qui, tout en étant adaptée à la nature des demandes et à la nécessité d’assurer une décision rapide, doit garantir le caractère contradictoire de l’instruction. Si les parties peuvent présenter en cours d’audience des observations orales à l’appui de leurs écrits, elles doivent, si elles entendent soulever des moyens nouveaux, les consigner dans un mémoire écrit. Le juge, qui ne saurait accueillir de tels moyens sans avoir mis le défendeur à même de prendre connaissance du mémoire qui les invoque, peut, compte tenu de ces nouveaux éléments, décider que la clôture de l’instruction n’interviendra pas à l’issue de l’audience mais la différer à une date dont il avise les parties par tous moyens. S’il décide de tenir une nouvelle audience, l’instruction est prolongée jusqu’à l’issue de cette dernière.[15]
- Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations en lui fixant un délai à cette fin. Il peut lui enjoindre de suspendre l’exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat ou à la constitution de la société d’économie mixte à opération unique.
- Il peut, en outre, prononcer une astreinte provisoire courant à l’expiration des délais impartis.
Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.
Si, à la liquidation de l’astreinte provisoire, le manquement constaté n’a pas été corrigé, le juge peut prononcer une astreinte définitive. Dans ce cas, il statue en la forme des référés, appel pouvant être fait comme en matière de référé.
L’astreinte, qu’elle soit provisoire ou définitive, est indépendante des dommages et intérêts. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.[16]
[1] – https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F23371
[2] – Article R2122-1 du code de la commande publique
[3] – Article R2122-2 du code de la commande publique
[4] – Article R2122-3 du code de la commande publique
[5] – Article R2122-4 du code de la commande publique
[6] – Article R2122-5 du code de la commande publique
[7] – Article R2122-6 du code de la commande publique
[8] – Article R2122-7 du code de la commande publique
[9] – Article R2122-8 du code de la commande publique
[10] – Article R2122-9 du code de la commande publique
[11] – Article R2122-9-1 du code de la commande publique
[12] -Article R2122-10 du code de la commande publique
[13] – Article R2122-11 du code de la commande publique
[14] – Conseil d’État, 7ème chambre, 12/10/2022, 464074
[15] -Idem
[16] – Article L551-6 du Code de justice administrative