Sabine Ndzengue
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Associations exerçant des activités cultuelles-Les droits et libertés(…) concernant l’exercice public des cultes, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République  sont (malgré une réserve) conformes à la Constitution

Dans sa décision n° 2022-1004 QPC du 22 juillet 2022 ; le Conseil Constitutionnel a estimé que le régime actuel des associations exerçant des activités cultuelles est conforme à la Constitution.

Les droits et libertés contenus dans les articles 19-1 et 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, dans leur rédaction issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ; ainsi que des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes, dans leur rédaction résultant de la même loi du 24 août 2021 sont (malgré une réserve) conformes à la Constitution

La question a été posée pour l’union des associations diocésaines de France et autres par la SARL Matuchansky.

I-Que prévoit la Loi pour bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles ?

Déclaration de sa qualité cultuelle au représentant de l’État

Toute association constituée conformément aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 doit déclarer sa qualité cultuelle au représentant de l’État dans le département, sans préjudice de la déclaration prévue à l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association1.

Réponse du représentant de l’État dans le département

Le représentant de l’État dans le département peut, dans les deux mois suivant la déclaration, s’opposer à ce que l’association bénéficie des avantages mentionnés au premier alinéa du présent article s’il constate que l’association ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions prévues aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 ou pour un motif d’ordre public. Lorsqu’il envisage de faire usage de son droit d’opposition, il en informe l’association et l’invite à présenter ses observations dans un délai d’un mois.(……;)

«Les modalités d’application du présent article, notamment les documents permettant à l’association de justifier de sa qualité cultuelle, les conditions dans lesquelles est renouvelée la déclaration et les conditions dans lesquelles s’exerce le droit d’opposition de l’administration, sont précisées par décret en Conseil d’État».

Financement

Le financement des associations cultuelles est assuré librement dans les conditions prévues au présent article et à l’article 19-3 de la loi du 9 décembre 1905 dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021

(……)

Elles ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’État ni des collectivités territoriales ou de leurs groupements. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations ainsi que pour travaux d’accessibilité aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques».2

Lorsqu’elles perçoivent des ressources collectées par un appel public à la générosité destiné à soutenir l’exercice du culte, elles sont soumises à l’article 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique, dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État, qui fixe notamment le seuil à compter duquel le même article 4 s’applique.
« Elles assurent la certification de leurs comptes, sans préjudice de l’application de l’article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat et du dernier alinéa du II de l’article 19-3 de la loi du 9 décembre 1905 précitée : (….)

Mise en demeure

« Le représentant de l’État dans le département, lorsqu’il constate qu’une association mentionnée au deuxième alinéa de l’article 4 ne prévoit pas dans son objet l’accomplissement d’activités en relation avec l’exercice public d’un culte, met en demeure l’association, dans un délai qu’il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois, de mettre son objet en conformité avec ses activités.
« À l’expiration du délai prévu au premier alinéa, le représentant de l’État dans le département peut, si l’association n’a pas satisfait à la mise en demeure, prononcer une astreinte d’un montant maximal de 100 € par jour de retard.3

II-Reproches soulevés

La déclaration de la qualité cultuelle

  • Institue un régime d’autorisation préalable conduisant l’État à reconnaître certains cultes.
  • Entraîne une méconnaissance du principe de laïcité, de la liberté d’association et de la liberté de religion et de culte.

(Les obligations imposées à ces associations ayant été alourdies, ces dispositions permettraient au représentant de l’État de refuser ou de retirer cette qualité cultuelle dans de nombreux cas).

*****Le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence en ne définissant pas suffisamment les « avantages propres » auxquels la reconnaissance du caractère cultuel de l’association ouvre ainsi droit.

Le Financement (plafonnement du montant des ressources annuelles que les associations cultuelles peuvent tirer de leurs immeubles)

Implique une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, ainsi que des libertés d’association, de religion et de culte.

La Mise en demeure d’une association cultuelle de mettre ses statuts en conformité avec ses activités est entachée d’incompétence négative

Faute pour le législateur d’avoir défini à l’article 4-2 de la même loi les « activités en lien avec l’exercice d’un culte » prises en compte par l’administration lorsqu’elle met en demeure une association de mettre ses statuts en conformité avec ses activités.

III-Réponse du Conseil Constitutionnel

*****Sur la déclaration de la qualité cultuelle :les dispositions contestées ne privent pas de garanties légales le libre exercice des cultes, ne méconnaissent pas le principe de laïcité.

  • L’ obligation déclarative est instituée en vue de permettre au représentant de l’État de s’assurer que les associations sont éligibles aux avantages propres aux associations cultuelles.
  • Le représentant de l’État ne peut s’opposer à ce qu’une association bénéficie des avantages propres aux associations cultuelles ou procéder au retrait de ces avantages qu’après une procédure contradictoire et uniquement pour un motif d’ordre public ou dans le cas où il constate que l’association n’a pas pour objet exclusif l’exercice d’un culte ou que sa constitution, sa composition et son organisation ne remplissent pas les conditions limitativement énumérées aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021.

*****Sur le Financement (la déclaration imposée aux associations par les dispositions contestées pour bénéficier de certains avantages n’a pas pour objet d’encadrer les conditions dans lesquelles elles se constituent et exercent leur activité)

L’article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905, n’est pas entaché d’incompétence négative et ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution.

Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.

*****Sur la Mise en demeure d’une association cultuelle de mettre ses statuts en conformité avec ses activités (réserve -il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de veiller, en fixant les modalités spécifiques de mise en œuvre de ces obligations, à respecter les principes constitutionnels de la liberté d’association et du libre exercice des cultes).

  • Ces dispositions sont ainsi de nature à porter atteinte à la liberté d’association et au libre exercice des cultes.
  • Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer la transparence de l’activité et du financement des associations assurant l’exercice public d’un culte. Ce faisant, il a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.
  • Le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. Au demeurant, il résulte en particulier d’une jurisprudence constante du Conseil d’État que ces activités sont celles notamment relatives à l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi qu’à l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte.
  • Le législateur n’a pas porté à la liberté d’association et au libre exercice des cultes une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée.

1-article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021

2-article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021

3-article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021