Sabine Ndzengue
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L’obligation de stockage des déchets ultimes issus d’activités de tri ou de recyclage pour les exploitants d’installations de stockage des déchets non dangereux n’est pas conforme à la Constitution

Le Conseil Constitutionnel dans sa Décision n° 2021-968 QPC du 11 février 2022 a jugé que : l’ancien article L. 541-30-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire n’est pas conforme à la Constitution.

L’ancien article L. 541-30-2 du code de l’environnement stipulait que :  Tout exploitant d’une installation de stockage de déchets non dangereux non inertes est tenu d’y réceptionner les déchets produits par les activités mentionnées aux a, b et c du 2° du II de l’article L. 541-1 ainsi que les résidus de tri qui en sont issus, lorsqu’elles traitent des déchets issus d’une collecte séparée et satisfont à des critères de performance définis par arrêté du ministre chargé des installations classées.

L’obligation définie au premier alinéa du présent article est soumise aux conditions suivantes :

1° Le producteur ou le détenteur des déchets a informé l’exploitant de l’installation de stockage de la nature et de la quantité des déchets à réceptionner avant le 31 décembre de l’année précédente et au moins six mois avant leur réception effective ;

2° La réception des déchets dans l’installation de stockage est, au regard de leur nature, de leur volume et de leur origine, conforme à l’autorisation prévue au 2° de l’article L. 181-1 ;

3° La quantité de déchets à réceptionner, répondant aux critères prévus au premier alinéa du présent article, est justifiée par le producteur ou le détenteur des déchets au moyen de données chiffrées en prenant notamment en compte la capacité autorisée et la performance de son installation.

Le producteur ou détenteur des déchets est redevable du prix de traitement des déchets pour les quantités réservées.

L’exploitant de l’installation de stockage ne peut facturer au producteur des déchets un prix hors taxes supérieur au prix habituellement facturé pour des déchets de même nature, selon des modalités définies par décret.

La mise en œuvre de l’obligation définie au premier alinéa n’ouvre droit à aucune indemnisation ni de l’exploitant de l’installation de stockage soumis aux dispositions du présent article, ni des producteurs ou détenteurs dont le contrat avec cet exploitant n’aurait pu être exécuté en tout ou partie pour permettre l’admission de déchets répondant aux critères et aux conditions posés, respectivement, au même premier alinéa ainsi qu’aux 1° et 2°, quelle que soit la date de conclusion du contrat.[1]

I-Reproches soulevés par la Fédération requérante :

  • Atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre :

Ces dispositions obligeaient les exploitants d’installations de stockage de déchets à réceptionner certains déchets à un prix déterminé.

  • Ces dispositions seraient entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées :

En ne précisant pas suffisamment les conditions dans lesquelles les exploitants sont tenus de réceptionner ces déchets, ni les modalités de détermination du prix de leur traitement,

  • Les dispositions renvoyées seraient ainsi contraires au droit au maintien des conventions légalement conclues :

Dans un contexte de saturation des capacités de stockage des installations existantes, l’obligation de réception mise à la charge des exploitants pourrait les conduire à refuser le traitement d’autres déchets, en méconnaissance des contrats préalablement conclus avec leurs apporteurs.

  • Rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques qui résulterait, en application des dispositions renvoyées, de l’exclusion de toute indemnisation des préjudices subis par les exploitants et les apporteurs de déchets.

II- Réponse du Conseil constitutionnel

Les dispositions contestées portent une atteinte manifestement disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues.

  • Les dispositions contestées obligent l’exploitant à réceptionner tous les déchets ultimes qui lui sont apportés par certaines filières industrielles, quand bien même elles ne rencontreraient pas de difficultés pour procéder à leur traitement.
  • Le délai du 31 Décembre pour l’exploitant n’est pas de nature à garantir qu’il sera en mesure, à la date de réception de ces déchets, d’exécuter les contrats préalablement conclus avec les apporteurs d’autres déchets, dès lors que les dispositions contestées ne prévoient aucune exception à son obligation de réception :

Les dispositions contestées prévoient que l’exploitant doit être informé de la nature et de la quantité des déchets ultimes qu’il est tenu de prendre en charge au plus tard le 31 décembre de l’année précédant leur réception et au moins six mois avant celle-ci.

  • Les apporteurs de déchets dont le contrat avec un exploitant n’aura pu être exécuté, en tout ou partie, du fait des dispositions contestées, sont privés, quelle que soit la date de conclusion de leur contrat, de la possibilité de demander réparation des conséquences de cette inexécution.

[1] Article L. 541-30-2 du code de l’environnement (Version en vigueur du 12 février 2020 au 11 février 2022)

Abrogé par Décision n°2021-968 QPC du 11 février 2022, v. init.
Création LOI n°2020-105 du 10 février 2020 – art. 91