Mesures d’isolement et de contention prises dans le cadre des hospitalisations en soins sans consentement : Quel est l’encadrement législatif et réglementaire ?

L’instruction n° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022 est relative au cadre juridique des mesures d’isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d’isolement et de contention.
Elle précise les modalités de mise en œuvre des modifications apportées à ce cadre par l’article 17 de la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique.
I-Quel est le principe des soins en psychiatrie ?
La législation française a posé le principe selon lequel les soins psychiatriques libres sont la règle et les soins sans consentement l’exception (cf. article L. 3211-1 du CSP). Les soins psychiatriques libres sont définis par le critère du consentement du patient aux soins.
Les mesures d’isolement et de contention sont des pratiques de dernier recours, qui ne peuvent concerner que des patients de psychiatrie en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être recouru que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui1, sur décision motivée d’un psychiatre, et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque lié à l’état mental du patient, après évaluation clinique de celui-ci.
Ces mesures font l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier patient. L’isolement et la contention peuvent être envisagés uniquement lorsque des mesures alternatives différenciées ont été déployées sans succès et que les troubles du comportement auto et/ou hétéro-agressifs entraînent un danger important et imminent pour le patient ou pour autrui.[1]
II-Comment sont encadrées les mesures de contention en soins sans consentement ?
- LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé
Création du registre.
C’est un élément essentiel pour le contrôle comme pour l’évaluation des mesures d’isolement et de contention. Dorénavant informatisé, il doit être rempli avec la plus grande rigueur. Son contenu a été enrichi par le législateur à compter de 2021. Le registre mentionne depuis lors le nom du psychiatre ayant décidé la mesure, un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d’hospitalisation, la date et l’heure de début de la mesure, sa durée et le nom des professionnels ayant surveillé le patient. L’identifiant du patient concerné doit garantir l’anonymat de la personne. L’âge, qui est celui de la personne au début de la mesure, est renseigné de façon à assurer un suivi spécifique des patients particulièrement vulnérables du fait de leur âge, notamment les mineurs. La date, l’heure et la durée de chaque mesure d’isolement et de contention doivent être renseignées.
- Le décret n° 2022-419 du 23 mars 2022 précise les modalités d’application du cadre juridique des mesures d’isolement et de contention.
- Code de la santé Publique
L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique (CSP) prévoit un contrôle systématique par le juge judiciaire des mesures d’isolement et de contention prises dans le cadre des hospitalisations en soins sans consentement à partir d’une durée définie, conformément aux exigences rappelées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021.
L’article L. 3222-5-1 du CSP fixe des durées aux mesures d’isolement et de contention, issues des recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé (HAS) de mars 2017.
- Instruction n° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022
Une mesure est initiée par décision motivée d’un psychiatre, après évaluation clinique du patient. Conformément aux recommandations de la HAS : – pour la mesure d’isolement, il est fixé une durée initiale maximale de 12 heures, renouvelable lorsque l’état du patient le nécessite par périodes maximales de 12 heures dans la limite d’une durée totale de 48 heures ; – pour la mesure de contention prise dans le cadre d’une mesure d’isolement, il est fixé une durée initiale maximale de 6 heures, renouvelable lorsque l’état de santé du patient le nécessite, par périodes maximales de 6 heures dans la limite d’une durée totale de 24 heures. Les mesures doivent être renouvelées dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, ce qui signifie que chaque renouvellement d’une mesure se fait après une nouvelle évaluation du patient et une décision motivée de renouvellement de la mesure par un psychiatre. Ainsi, si l’évaluation est faite avant la durée maximale, soit 12h pour l’isolement et 6h pour la contention, la décision de renouvellement peut être prise et ne rentrer en vigueur que lorsque la décision précédente prend fin.
III- saisine du JLD (Juge des libertés et de la détention)
- Le JLD est systématiquement saisi par le directeur de l’établissement avant l’expiration des durées prévues par la loi, soit 72 heures pour l’isolement et 48 heures pour la contention, dès lors qu’une décision de renouvellement à titre exceptionnel de la mesure est prise. La requête est présentée dans les conditions prévues aux articles R. 3211-10 et R.3211-33-1 du CSP. Ainsi, elle est transmise par tout moyen permettant de dater sa réception au greffe du tribunal judiciaire. Elle est datée et signée et précise l’identité du demandeur, celle de la personne qui fait l’objet de soins et les faits.
- En cas de requête formée par le patient, l’établissement de santé veille à transmettre, par tout moyen permettant de dater sa réception, la requête et les pièces au greffe du tribunal dans un délai de 10 heures à compter du dépôt par le patient de sa requête au secrétariat de l’établissement d’accueil ou de l’établissement du procès-verbal recueillant la déclaration verbale du patient. Il veille à transmettre, avec la requête horodatée par son secrétariat ou une déclaration verbale du patient recueillie par le directeur de l’établissement au sein d’un procès-verbal horodaté contenant les mentions prévues par l’article R. 3211-10 du CSP, toute pièce que le patient entend produire ainsi que les informations et pièces mentionnées au deuxième alinéa du I et au III de l’article R. 3211-33-1 du CSP (cf. annexe 3). Le directeur doit par ailleurs communiquer au greffe le cas échéant le nom de l’avocat choisi par le patient ou l’indication selon laquelle il demande qu’un avocat soit commis d’office. Si le patient demande à être entendu par le JLD, un avis d’un médecin relatif à l’existence éventuelle de motifs médicaux faisant obstacle, dans son intérêt, à son audition et à la compatibilité de l’utilisation de moyens de télécommunication avec son état mental doit également être transmis.
- Lorsque la requête émane d’un tiers ou en cas de saisine d’office du juge, l’ensemble des pièces doivent être transmises dans un délai de 10 heures à compter de la réception par le directeur de l’avis du greffe l’informant du dépôt de la requête. L’article R. 3211-35 du CSP relatif à la saisine d’un tiers prévoit que le greffe informe également le patient, par l’intermédiaire du directeur de l’établissement, de la saisine du juge des libertés et de la détention, et que le directeur délivre au patient les informations prévues au II de l’article R. 3211-33-1 du CSP. Il est en outre prévu, en cas de saisine du juge par un tiers, mais également en cas de saisine d’office, que le directeur communique au juge des libertés et de la détention, dans un délai de dix heures à compter de la réception de l’avis donné par le greffe, par tout moyen donnant date certaine à leur réception, l’ensemble des informations et pièces mentionnées au III de l’article R. 3211-34 du CSP.
[1] – Instruction n° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022 relative au cadre juridique des mesures d’isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d’isolement et de contention dans Bulletin officiel Santé – Protection sociale – Solidarité n° 2022/10 du 29 avril 2022.