Trouble anormal de voisinage : où en est le principe de responsabilité depuis la loi du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises?

La Loi no 2021-85 du 29 janvier 2021 vise à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises. Dans son article 3 ; le gouvernement remet au parlement un rapport examinant la possibilité d’introduire dans le code civil le principe de la responsabilité de celui qui cause à autrui un trouble anormal de voisinage. Il étudie les critères d’appréciation du caractère anormal de ce trouble, notamment la possibilité de tenir compte de l’environnement 1 .
Le trouble anormal de voisinage peut concerner les relations entre les personnes privées. Dans ce cas, il relève de la justice civile2 . Le trouble anormal de voisinage peut être considéré comme une infraction ; c’est à dire un acte que la loi et la société répriment. Il relève alors de la justice pénale3.
I – La mise en œuvre de la responsabilité pour trouble anormal du voisinage
Action civile
Le principe de responsabilité pour trouble anormal du voisinage n’est pas encore introduit dans le code civil.
- Comment mettre en œuvre la responsabilité d’autrui pour trouble de voisinage?
- Ici, sont favorisés les modes alternatifs de règlement des différends
Il incombe à la partie subissant le trouble de tenter de parvenir à un règlement amiable du litige, devant être mené par un conciliateur de justice, avant de saisir le Juge civil. A défaut, la saisine du Juge sera déclarée irrecevable.
Lorsque la demande tend au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant ou est relative à un conflit de voisinage ou à un trouble anormal de voisinage, la saisine du tribunal judiciaire doit, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation, telle que définie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, ou d’une tentative de procédure participative, sauf :
- Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord;
- Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision;
- Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime, notamment l’indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable;
- Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation;
- Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances.
Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article, notamment les matières entrant dans le champ des conflits de voisinage ainsi que le montant en-deçà duquel les litiges sont soumis à l’obligation mentionnée au premier alinéa. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation4.
Action pénale
Comment mettre en œuvre la responsabilité d’autrui pour trouble de voisinage?
La victime du trouble de voisinage et son conseil juridique devront saisir le juge en prouvant que tous les éléments du trouble anormal de voisinage sont réunis . Ici, il faut que les 3 éléments de l’infraction de trouble anormal de voisinage soient réunis : l’élément légal, l’élément matériel, l’élément moral.
- L’élément légal – pour les crimes et les délits le texte doit être nécessairement de nature législative, alors que pour la contravention, il s’agira d’un texte de nature réglementaire et uniquement réglementaire. Ces considérations sont prévues par les dispositions de l’article 111-3 du code pénal. L’article R623-2 prévoit que : Les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d’autrui sont punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe.
- L’élément matériel – L’auteur du trouble anormal de voisinage commet une infraction si celle-ci est prévue par un texte particulier mais surtout si ce comportement est prohibé par ce texte. Il peut s’agir ici de faire changer le moteur de sa moto et la démarrer à tout moment de la journée sans but réel. L’élément matériel devra être prouvé par le témoignage des voisins, attestations d’huissiers, …
- l’élément moral est synonyme de volonté, d’intention de commettre l’infraction ; le trouble anormal du voisinage.
II – Quels sont les délais et sanctions concernant les troubles de voisinages ?
Les délais
L’action civile pour trouble anormal de voisinage doit être engagée dans un délai de prescription de 5 ans commençant à courir à compter de la date de la découverte du trouble ou à la date à laquelle le demandeur aurait dû constater l’existence de ce trouble et ce, dans la limite du délai butoir de 20 ans prévu à l’article 2232 du Code civil.
L’action pénale pour trouble anormal de voisinage est, quant à elle, soumise à un délai de prescription d’un an commençant à courir à compter du jour de la réalisation de la contravention.
Les sanctions
Les sanctions civiles
Il peut s’agir de :
- Ordonnance du tribunal à l’auteur du trouble de cesser le trouble ;
- Injonction à l’auteur de ce trouble de procéder à des travaux5 afin de faire cesser le trouble.
- Indemnisation de la victime correspondant au trouble subit.
Les sanctions pénales
Bruits, nuisances sonores, constructions entre autres qui constituent des troubles de voisinage sont sanctionnés au cas par cas . Les nuisances sonores peuvent être sanctionnées par des amendes prévues pour les contraventions de la 3ème classe : article R.1337-7 du Code de la santé publique6 ,
Les attaques d’animaux sont punies de l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe : Article R623-3 du code pénal7.
Référence
1 – Article 3 de la LOI n° 2021-85 du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises
2 – La justice civile règle les affaires de droit commun qui serapportent aux relations entre personnes privées : divorce, inexécution d’un contrat, conflit de voisinage, problème entre commerçants, litige avec un employeur.. www.justice.gouv.fr/publication/fp_saisir_justice.pdf
3 – La justice pénale prend en charge les infractions, c’est-à-dire les actes et les comportements que la société et la loi répriment (contraventions, délits, crimes) : délinquance, vol,violence aggravée, port d’arme sans autorisation, agression sexuelle, trafic de stupéfiants, viol, homicide…www.justice.gouv.fr/publication/fp_saisir_justice.pdf
4 – Article 4 ; titre II -Loi LOI n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle
5 – https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CASS_LIEUVIDE_1997-11-12_9610603&FromId=DZ_OASIS_001523#resume
6 – «Est puni de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe le fait d’être à l’origine d’un bruit particulier, autre que ceux relevant de l’article R. 1337-6, de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme dans les conditions prévues à l’article R. 1336-5. »
7 – Le fait, par le gardien d’un animal susceptible de présenter un danger pour les personnes, d’exciter ou de ne pas retenir cet animal lorsqu’il attaque ou poursuit un passant, alors même qu’il n’en est résulté aucun dommage, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe.
En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal peut décider de remettre l’animal à une œuvre de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, laquelle pourra librement en disposer.